La réponse de Nadine Cretin
Une barbe blanche, un habit rouge, des cadeaux pleins les bras, et un sourire chaleureux. Mais de qui parle-t-on ? Père Noël ? Saint Nicolas ? Il faut dire que les représentations de ces deux personnages sont proches… D’où vient cette ressemblance ?
Le Père Noël est une créature mythique, alors que saint Nicolas, lui, a réellement existé puisqu’il était évêque de Myre, ville marchande d’Asie Mineure (Turquie actuelle) aux IIIe-IVe siècles. Mais, attendus des enfants chaque année au moment des jours les plus courts dans l’hémisphère nord, tous deux font preuve de la même générosité.
Saint Nicolas, une inspiration pour le Père Noël
Nos deux donateurs de cadeaux reposent en réalité sur des croyances anciennes, qui les rapprochent des masqués de l’hiver, saison noire et stérile avant le retour du printemps. De telles créatures figurent encore dans les mascarades du Nouvel An ou les carnavals. Les beaux, bien habillés, distribuent noix ou gâteaux, symbolisant les beaux jours, la lumière et l’abondance. Ils sont affublés de compagnons à l’aspect bestial, vêtus de paille, de mousse, de fourrures. Ces laids symbolisent un monde inquiétant, un monde non civilisé, inconnu, que l’on peut rapprocher de l’Au-delà. Nous comprenons la présence, à côté de l’évêque, du Père Fouettard (Hans Trapp en Alsace, Zwarte Piet aux Pays-bas, Schmutzli en Suisse…). Saint Nicolas a recouvert le beau masqué à partir du Moyen Age, et inspiré le Père Noël, alors que son compagnon a gardé son aspect sombre et inquiétant. Rien à voir avec la couleur de la peau, qu’on se rassure !
Saint Nicolas, personnage rond et jovial
Les légendes de saint Nicolas en faisaient le patron des marins car il en avait sauvé de la tempête, celui des marchands car il avait préservé sa ville de la famine, mais aussi des prisonniers et des avocats car il avait délivré des captifs, et celui des fiancés car il avait aidé des jeunes filles pauvres à se marier. S’est ajoutée la fameuse légende des trois enfants qu’il avait ressuscités du saloir d’un méchant boucher, la plus connue en Occident. En 1087, des marins italiens de Bari ont rapporté dans leur ville les restes de saint Nicolas, craignant l’action des Infidèles en Asie Mineure. De là, un chevalier lorrain a rapporté une relique qu’il a mise à Saint-Nicolas-de-Port, devenu un grand centre de pèlerinage près de Nancy. Le culte de saint Nicolas en Lorraine s’est superposé à des croyances germaniques : celles du dieu Odin qui se promenait dans le ciel sur son cheval et du Chasseur sauvage qui passait avec son attelage par les nuits d’hiver avec son énigmatique cortège.
C’est ce saint Nicolas transformé que les premiers colons américains ont importé avec eux en Amérique du Nord au XVIIe siècle. Là, il a peu à peu donné ses traits au Père Noël. Dans un poème (1822), Clement Clark Moore fait de saint Nick un minuscule personnage, rond et jovial à l’habit « couleur de suie » venant en traîneau tiré par des rennes, et descendant dans les cheminées déposer des cadeaux. Plus de Père Fouettard à ses côtés ! Vers 1860, Thomas Nast a dessiné Santa Claus, le faisant venir du Pôle Nord. Ses habits étaient souvent rouges. Vers 1930, une campagne de publicité de Coca-Cola a fixé son image à travers le monde.
Nadine Cretin, historienne et auteur